top of page

SAMEDI 24 JUIN 2017

En descendant la Rue de Paris en compagnie

d’Alain-Marcel VAUTHIER

Plongée dans l’histoire et le destin des Villas Créoles de St Denis de La Réunion

 

Comme prévu, notre groupe se retrouve à 10 H devant le restaurant « Le Temps des Mets ». Conduit par Alain-Marcel VAUTHIER, nous nous rendons tout d’abord au rond-point du Jardin de l’Etat où, sous les arbres, Alain Marcel nous fait un bref historique du site en nous faisant pénétrer dans le jardin.

 

Créé par Cyr Honoré de Crémont, ordonnateur de Bourbon de 1767 à 1778, ce jardin remplaçait celui de la Compagnie des Indes implanté dans le quartier du bas de la rivière et trop souvent inondé…Pour aménager le jardin, Crémont bénéficie des plants ramenés des voyages de Pierre Poivre, intendant des îles de France et de Bourbon, basé à l'île de France et dont lui-même était le représentant à Bourbon...C'est pour cela que le buste de Pierre Poivre orne une des allées du Jardin alors qu'il n'y a pas de buste de Crémont... A partir de 1848, ce jardin devient un lieu de fêtes, notamment avec "la fête des fleurs" aujourd'hui nommée "Floralies". Cette tradition a perduré plus d'un siècle, puisque Alain-Marcel se souvient d'une manifestation des années 1970 magnifiquement mise en scène par la fleuriste Odette ROCHE, avec le concours de...Gilbert AUBRY pour les chants...



 

Nous ressortons assez rapidement du Jardin et contemplons le buste de François Gédéon BAILLY de MONTHYON, né à Saint-Denis en 1776, qui fit une brillante carrière militaire (il fut nommé colonel à Austerlitz et baron d'Empire à l'âge de 32 ans !) Ce bronze fut offert par la famille à la ville de Saint-Denis en 1874 et, depuis, est l'élément central de cette petite place qui met en valeur l'entrée du Jardin de l'Etat...

Puis, nous voilà lancés à la découverte des maisons créoles de la Rue de Paris, enfin de presque toutes, car il aurait fallu une journée entière à l’intarissable et passionnant historien, pour être exhaustif...
Alain-Marcel attire notre attention sur les beaux locaux, sur la droite en tournant le dos au Jardin de l'Etat et qui rappellent ceux qui bordent la place de la Victoire à l'autre bout de la rue de Paris. Ces locaux sont occupés depuis près de soixante-dix ans par les services de la Caisse d'Epargne...


 

En face, sur la gauche donc en descendant la rue, un immeuble abritant au rez-de-chaussée la pharmacie du Jardin. Immeuble quelconque des années 1960, sauf qu'il fut construit avec les gains que son propriétaire (premier gros gagnant à La Réunion !) un modeste marchand de bois de chauffage, obtint du loto...
Contiguë à la pharmacie du Jardin, l’ancienne maison CARRERE, devenue maintenant un Restaurant ; cette maison créole aux fenêtres à petits carreaux et aux murs latéraux en bardeaux, a comme originalité d'avoir été érigée à Saint Paul à la fin du 19ème siècle, puis complétement démolie et reconstruite à l'identique avec les mêmes matériaux, à Saint Denis au début du 20ème siècle.
Tout à côté, nous pénétrons dans le vaste jardin de L’Évêché de la Réunion, aux arbres centenaires et Alain-Marcel retrouve avec émotion son terrain de jeux d'il y a soixante-cinq ans ! du temps où il était louveteau...Cette propriété fut rachetée au banquier Emile GRENARD en 1912 pour servir d'évêché. En effet, après la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, votée en 1905, mais appliquée à La Réunion en 1911, l'évêque avait dû quitter son logement propriété de l'Etat (devenu le Musée Léon Dierx) et se loger aux frais de l'Eglise...
Monseigneur AUBRY, rencontré fortuitement, nous ayant souhaité la bienvenue, nous faisons le tour de son domaine. Alain-Marcel, qui est un ami de longue date de Monseigneur, nous explique que, dans les années 1980, celui-ci a transformé l'ancien bâtiment occupé par ses prédécesseurs en maison diocésaine et a fait construire l'évêché actuel qui a la particularité de ne pas être équipé de climatiseurs, la ventilation étant assurée par des ouvertures judicieusement disposées au bas et en haut de chaque pièce.
Du jardin de l'évêché, nous pouvons admirer avec du recul les deux belles maisons (aujourd'hui propriétés de la Région) qui lui font face de l'autre côté de la rue de Paris. Tout d'abord, à l'angle de la rue Mgr de Beaumont, la Maison BARBOT / DUMESNIL et contiguë, l'ancienne Maison de VILLENEUVE, appelée, fut un temps La VILLA du GENERAL quand elle devint le logement de fonction du général Commandant Supérieur des Forces Françaises de la Zone Sud de l'Océan Indien. Elle est connue actuellement sous le vocable "Villa de la Région" et abrite des expositions temporaires. Cette maison se visite et Alain-Marcel, qui la connaît depuis son enfance, fourmille d'anecdotes à son sujet, il nous fait admirer le grain fin des pierres de taille des perrons, la qualité des parquets admirablement restaurés et celle du carrelage de la véranda. C'est dans cette maison qui, par les hasards de l’histoire, appartient depuis 1999 à la Région Réunion, qu’a eu lieu en 1946 la veillée mortuaire d’Alexis de VILLENEUVE. Alain-Marcel nous raconte qu'à cette veillée mortuaire, il faillit y avoir un gros incident car les frères du mort (Christian, Jean et Marcel) s'étaient insurgés de la présence du Gouverneur CAPAGORRY, ils lui reprochaient en effet de n'avoir pas été assez ferme envers les troupes communistes de Raymond VERGES...
 En sa qualité de Président, Paul VERGES (fils de Raymond...) vint inaugurer cette belle demeure après sa rénovation… son discours comportait une grande lacune : il avait "oublié" de citer la famille de Villeneuve, pourtant propriétaire pendant des décennies de cette maison...
En face, la Maison du Docteur Georges DEMARNE, (célèbre gynécologue qui avait accouché pratiquement toute une tranche d'âge des enfants de familles aisées de Saint-Denis). Cette maison avait la particularité d'être entourée par le jardin de la maison voisine appartenant à l'époque au pharmacien Max HOARAU. La maison de Max HOARAU, rachetée aujourd'hui par la famille TIMOL, a inspiré le constructeur du Domaine des Tourelles à la Plaine des Palmistes, qui n'était autre que son voisin d'en face : Alexis CHAMPIERRE de VILLENEUVE père...

Sur le même trottoir, le Musée LEON DIERX, ancienne maison de Gustave MANES, ancien Maire de St Denis et ancien site de l’Évêché ; nous y pénétrons…mais ce sont les « JEP » ! les Journées Européennes du Patrimoine et, malgré la foule, nous sommes accueillis par Bernard LEVENEUR, maître des lieux, Conservateur et Directeur du Musée, qui nous fait découvrir sa splendide et nouvelle exposition intitulée :"Au coeur d'une île : les artistes et les Hauts de La Réunion au 19ème siècle". Jean-François Hibon de Frohen et Alain-Marcel participent au succès de cette exposition…ils ont en effet prêté des tableaux et des photographies issus de leur collection personnelle.

Au sortir du Musée, sur le trottoir d'en face, Alain-Marcel attire notre attention sur une très belle maison récemment rénovée qui a appartenu à la famille de PALMAS.
 

 Ce nom de PALMAS rappelle à Alain-Marcel une anecdote qui avait fait beaucoup rire le tout-Saint-Denis de l'époque : Monsieur de PALMAS père, grand propriétaire du magnifique domaine de "Moca" dans les hauts de Sainte Marie, n'avait pas fait beaucoup d'études et n'était pas très fort en orthographe...Il avait une marotte : il voulait que le prénom de tous ses fils commençât par un "R"...C'est ainsi que l'aîné s'est appelé Richard, le deuxième Roland, le troisième Robert...au quatrième il était à court d'inspiration et l'avait baptisé...Herbert...
Contigu au jardin du Musée Léon Dierx, le jardin d'une très belle maison créole occupée aujourd'hui par l'Artothèque ; cette maison, entièrement reconstruite en ne gardant que l'aspect extérieur, mais en remaniant profondément l'intérieur, avait appartenu au 19ème siècle au Procureur général GESLIN, puis était devenue la propriété de l'assureur MANCINI et c'est son héritier (la famille MAS) qui l'avait vendue au Conseil Général durant le mandat d’Eric BOYER.
En face, la VILLA ANGELIQUE, devenue restaurant, qui appartenait à Henria DEBOISVILLIERS, ancienne dentiste…elle habite encore dans un bâtiment derrière la maison. Cette villa a subi le même sort que sa voisine d'en face : à savoir qu'elle a été entièrement rasée avant d'être reconstruite à l'identique pour l'extérieur, mais complètement modifiée à l'intérieur...
Nous franchissons la rue Roland Garros et nous trouvons d'un côté, L’Ecole de l’Immaculée Conception dont les murs vont de la rue Roland Garros à la rue Ste Anne ; de l'autre côté, la maison KALIDAS, ancienne propriété de la Banque de La Réunion, la maison du bâtonnier Jean VINSON et l'ancien emplacement de la maison SERS actuellement occupé par des bureaux...
Le pensionnat, devenu école de l'Immaculée Conception, date de 1861. Il fut inauguré le 8 décembre, jour de l'Immaculée Conception et depuis 1861, la date du 8 décembre est l'occasion pour les anciennes élèves de se retrouver autour d'un déjeuner festif...Véritable "Couvent des oiseaux" qui accueillait les jeunes filles de bonne famille venant de toute l'île, ce pensionnat avait une discipline très stricte qui ne s'assouplissait que les dimanches après-midi quand ces demoiselles se rendaient à la maison  d'à côté, chez leur "correspondante" qui n'était autre que Madame Vauthier, la mère d'Alain-Marcel...celui-ci se souvient des parties de ballon prisonnier et de  volley disputées avec les amies de ses soeurs et aussi de ses premiers émois d'adolescent boutonneux provoqués par ces jeunes filles en fleur...
La Maison VAUTHIER, maison de la famille d’Alain-Marcel, appartient actuellement à sa sœur, Madame CHASSAGNE ; sa voisine, de l'autre côté de l'Immaculée, fait bien triste figure avec ses murs tagués et son jardin à l'abandon. Et pourtant elle est monumentale avec ses galeries bordées de colonnades ! Emile HUGOT (1904-1993), grand propriétaire sucrier, ingénieur de renommée mondiale, Président Directeur Général fondateur des Sucreries de Bourbon, fit construire cette demeure en s'inspirant fidèlement des plans d'une maison patricienne romaine : atrium avec fontaine centrale, colonnes de style dorique au rez-de-chaussée, de style ionique à l'étage. A la mort d'Emile, ces héritiers vendirent cette belle maison à un promoteur qui comptait la raser pour y mettre un immeuble de grand standing, devant le tollé provoqué par une association protectrice du patrimoine, il abandonna son projet et laisse la maison se détériorer lentement par les squatters... 

Puisque nous sommes dans la rue Ste Anne et que ce sont les journées du patrimoine,nous en profitons pour visiter la maison LEGRAS, propriété actuelle de l'Avocat Guillaume de GERY, restaurée avec une aide et un contrôle de la Direction des Affaires Culturelles de l'Océan indien (DAC OI). Maître de GERY est un passionné, ami d'Alain-Marcel, il nous raconte les péripéties qui ont émaillé la restauration de cette maison qui date de 1820 et nous conte l’histoire de ses 7 toits, construits au fil des ans et de la progression de la rénovation de sa maison, par rajouts de pièces au fur et à mesure des besoins de la famille.
Mais l'heure tourne et c'est au pas de charge que nous jetons un oeil sur :
   - la Maison REPIQUET, ancien Sénateur, qui fut la résidence de Michel DEBRE de 1963 à 1988 ;
 

-  le Tribunal Administratif, rue Félix Guyon, qui s'installa en 2003 sur l'emplacement de la maison RIEUL,  beaucoup plus ancienne, puisqu' elle datait de 1808 et faisait partie de la concession accordée en 1723 par la Compagnie des Indes au flibustier repenti Guy DUMESGNIL ;

-  la Maison Raphaël CARRERE, devenue aujourd'hui le siège de l'Office de Tourisme...
- la Maison DERAMONT / BARRE, où naquit le poète LEON DIERX ;
... et pour terminer, sur la Maison du Docteur Achille BERG, devenue actuellement une étude de notaires, à l'immense cour arrière où Alain-Marcel  avait obtenu l'autorisation de garer plusieurs voitures qui nous ramenèrent au "Temps des Mets"...

Nous serions restés bien longtemps dans la Rue de Paris à écouter Alain-Marcel Vauthier, mais rendez-vous était pris au « Temps des Mets » pour le déjeuner. Moment doublement agréable : les plats furent fameux et Alain-Marcel continua de nous captiver par ses inépuisables connaissances. En guise de remerciement, nous eûmes plaisir à lui offrir deux bouteilles de jus de la treille bourguignonne…qui lui rappelleront, nous l’espérons, ce moment d’amitié partagé avec les Membres de l’AMOPA...

Alain-Marcel VAUTHIER…retranscrit fidèlement par Christiane ANDRÉ

(  dont l’unique mérite est d’avoir introduit et conclu le propos passionnant de notre guide…) 

bottom of page