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AUTORITÉ ET HUMOUR

     C’est quand même plus facile…


Faire entendre raison à un adolescent quant à la tenue correcte à adopter au collège lorsqu’on est Chef d’établissement peut vite devenir un enjeu de pouvoir (pour les uns comme les autres) avec, à la clé, des turbulences peu souhaitables et surtout des résultats variables…
Fort de quelques années d’expériences (!!!) en Education Prioritaire, j’ai délibérément opté pour un positionnement humoristique concernant, au choix :
Les ventres dénudés, les maquillages outranciers, les sous-vêtements batifoleurs, les caleçons provocants et autres singularités propres à ces jeunes gens… N’oublions pas que nous y sommes aussi passés et qu’à l’époque blouson de cuir de moto et jeans délavés n’étaient pas en odeur de sainteté au collège ou au lycée !!!
Je prendrai deux exemples caractéristiques, qui déclenchent, à chaque fois et de façon presque mécanique, la surprise, la stupeur, la réflexion et l’éclat de rire.. !!!
Jour de rentrée des élèves de 3ème, 265 élèves s’installent dans le réfectoire calmement sous la houlette des CPE et autre personnel de Vie Scolaire, les Professeurs Principaux sont tous là. Face à ce petit monde et alors que le silence s’installe, le Chef d’établissement, statique, debout, sanglé dans son blazer et sa cravate observe sans aucune émotion apparente toute cette troupe. Tout est en place pour que l’appel se fasse… Sauf que les élèves remarquent sur une des épaules du chef quelque chose de bizarre… Deux lacets de chaussures de sport, couleur fluo sont posés sur l’épaule du blazer.
Je commence à intervenir, rappelant les objectifs de la classe de 3ème… Tout le monde est attentif. Je rappelle à un moment les codes en terme de tenue et aborde le sujet des jeans à mi fesses pour les garçons. Plus personne ne bronche, ils  savent tous que je ne plaisante pas avec cela. Et d’un seul coup je les informe que je possède l’arme fatale anti caleçon à l’air !!! Je prends l’un des deux lacets fluo, ouvre mon blazer et explique que le prochain que je trouve avec le jean à mi fesses devra remonter son pantalon et que je lui attacherai personnellement, à l’aide de ce lacet, en utilisant les deux passants de ceinture avant, le jean à la bonne hauteur. Stupeur chez les élèves et sourires discrets chez les personnels. Je conclus en rapportant les propos de ma grand-mère qui expliquait que se promener le derrière dénudé (elle utilisait une autre expression…) pouvait occasionner un rhume de 7 ans et que je ne tenais pas à ce que mes jeunes élèves contractent un mal d’une telle ampleur…

Et à chaque fois, de façon mécanique, les élèves éclatent de rire et repèrent leurs camarades qui ont des caleçons exhibés en leur disant qu’ils sont les prochains sur la liste…
Nous n’avons jamais eu besoin de passer un lacet dans les jeans des élèves et mieux lorsque l’un d’entre eux passe devant moi avec le jean un peu bas, il suffit simplement que je montre sur moi, mes deux passants de ceinture et le jeune remonte le pantalon. Aucune violence ni animosité, humour et bienveillance, les adolescents y sont sensibles, apprécient et leurs parents restent médusés du résultat.
Autre exemple, plus court. Sonnerie du matin, 1 000 élèves se placent en rangs pour attendre leurs enseignants. Nous sommes tous sur le pont, passant entre les rangs, rappelant à l’ordre l’un ou l’autre, enlevant une casquette rebelle ici ou là… Je piste une jeune fille fortement maquillée. Je me place face à elle et lui rappelle le règlement intérieur à ce sujet : pas de maquillage… Émoi chez la cinquantaine d’élèves autour de moi, puis je précise en me penchant sur elle et parlant suffisamment fort pour que l’on m’entende bien : « Sinon, regarde, tu fais comme moi, juste un peu de crayon noir autour des yeux ». Automatiquement, mécaniquement, à chaque fois j’ai 20 paires d’yeux qui se rapprochent et vérifient… « mais vous n’avez pas de maquillage ! » s’exclament les filles et je réponds en riant : « eh bien, tu fais comme moi, file te démaquiller à l’infirmerie ».
Aucune discussion, aucune tentative de négociation, tout se passe avec humour et les jeunes filles acceptent cela car nous prenons le soin de nous arrêter un instant, de plaisanter sur un sujet chargé d’enjeux pour elles et surtout tous savent que, une fois l’instant d’humour passé, il n’y a plus d’échappatoire… Le règlement ne se négocie pas, il suffit parfois de peu de chose pour l’expliciter et surtout dédramatiser, sans humilier, en nous positionnant clairement . C’est tellement plus facile

                                                                                JP POPULU, Principal du Collège de Mille Roches, à Saint André .

( Texte publié en Novembre 2015 )

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